Le Cirque des Mirages : un parfum très “fin-de-siècle”
paquita | 6 décembre 2008Article paru dans le numéro 81 de Montrouge Magazine
Aimez-vous les voyages ? Les voyages intérieurs qui s’étirent et suspendent les heures… Alors tendez l’oreille et laissez-vous emporter par l’imaginaire fougeux du Cirque des Mirages. Pris dans ce fol équipage, vous vous laisserez guider avec un bonheur mêlé de crainte, par ces lumineux cochers de l’enfer que l’on nomme “Parker & Yanowski”. Ce fiévreux duo piano/chant qui semble tout droit sorti d’un conte d’Edgar Poe, saura vous enchanter par des artifices propres à la magie de ces oiseaux rares que l’on dit, “habités”.
Yanowski, en maître de cérémonie et bonimenteur de foire, manie avec brio l’art du chant et de la comédie un brin gouailleuse. L’homme exhibe un héritage auquel il rend du même coup, un vibrant hommage : celui des chanteurs à texte et autres poètes enragés vêtus de noir. La théâtralité, le jeu expressioniste, glissent du texte à l’interprétation et de l’interprétation à l’auditeur fasciné. Les hululements du piano traversent une gamme émotionnelle riche, dont les humeurs oscillent entre jazz et cabaret berlinois. On le devine dès les premières notes, dès les premiers mots : le Cirque des Mirages ne fait pas dans la tiédeur, il fait dans l’excès, il explore les passions. On en est littéralement transporté, au sens amoureux du terme.
Les références littéraires et poétiques s’énoncent au fil des textes, ciselés par Yann Girard alias Yanowski. Ce sont les vers d’Apollinaire qui plantent le décor : “Les villes sont pleines d’amour et de douleurs, deux plantes dont la mort est la commune fleur”. Puis, on entre dans l’univers des cirques jadis itinérants avec “Le singe”, histoire évoquant l’intrigue du “Double assassinat dans la rue morgue”. “Le terrible enfant à gueule de chien” rappelle quant à elle, la pathétique histoire de John Merrick, l’homme-éléphant. “Du côté de la butte” chanson d’amour spleenétique, fait resurgir l’image des artistes crève-la-faim, ces “Fleurs de bitume” qui hantaient le cabaret du Chat Noir. L’anarchisme burlesque est de mise avec “Chez Mme de la Fressange”, ode contre-bourgeoise à l’humour hystérique et dévastateur. De même que “La véritable histoire du christianisme” chanson anticléricale et démystificatrice, particulièrement désopilante. Un humour naturellement teinté de cynisme jaillit avec “La jambe”, agréable provocation masculine et texte au décadentisme jubilatoire. On hallucine à l’écoute de “La nuit les femmes dansent”, ode Baudelairienne opiacée, qui chante son amour mortifère pour un féminin hypermystifié.
Il y en d’autres encore qui vous feront voyager. Alors, toutes affaires cessantes, remontez le temps et embarquez à bord du Cirque des Mirages…